DÉCRYPTAGE / Et si on se faisait du bien grâce à la réalité virtuelle?

Aux États-Unis, la FDA vient d’enregistrer le premier « médicament » en réalité virtuelle (AppliedVR, un programme contre les douleurs chroniques du dos). L’univers du bien-être et le digital n’en finissent plus de flirter – désormais pour le meilleur.   

Traiter une douleur au ventre récurrente avec une séance de réalité virtuelle? C’est grosso modo le territoire sur lequel travaille le chercheur et gastroentérologue Brennan Spiegel, au centre médical Cedars-Sinai à Los Angeles. Il dirige l’une des plus grandes recherches universitaires autour de la VR comme thérapie de santé. The New York Times publiait mi-avril un article génial d’Helen Ouyang sur l’expérience d’une femme sujette aux douleurs chroniques à l’abdomen, traitée sans succès par la médecine classique. En pleine forêt virtuelle, au beau milieu d’arbres géants façon Avatar, la patiente relâche pour la première fois toute la charge cognitive et émotionnelle liée au décès de son fils quelques mois plus tôt, avec qui elle avait l’habitude de passer du temps dans le parc de Yosemite. Avant de se faire « soigner », toujours dans un monde parallèle, par un robot prénommé Maia, dans une clinique virtuelle. Les scénaristes de Nine Perfect Strangers, la série dans laquelle Nicole Kidman dirige un centre de wellness futuriste, n’auraient pas imaginé séquence plus cosmique.

“Un écran peut contribuer à se reconnecter avec un soi plus profond”

Alors que la douleur chronique touche 50 millions d’Américains et que la crise des opioïdes, dans le sillage du Covid, ravage le pays, la réalité virtuelle offre un potentiel révolutionnaire parmi les thérapies qui ciblent le cerveau plutôt que la partie du corps douloureuse : elle est moins chère que l’électrostimulation, bien moins lourde et addictive que les médicaments (éventuellement quelques nausées ou mal des transports), plus courte qu’une psychothérapie… Au-delà de l’effet instantané sur le système nerveux central, les recherches tendent à prouver que, grâce à la neuroplasticité, on pourrait obtenir une sorte de « recâblage du cerveau » à raison d’une séance de 7 minutes par jour pendant 8 semaines.

Créer en quelques minutes de nouvelles connexions neuronales pour faire baisser la pression, booster la confiance en soi, préparer mentalement un concours ou une épreuve sportive mais encore éviter la pause grignotage… est déjà devenu l’eldorado dans la Silicon Valley. Tout un monde de wellness s’ouvre avec la création d’applis spécialisées, comme les boucles de mandalas hypnotiques de TRIPP ou les séances de sport avec des professeurs avatars dans de (faux) paysages, des îles Galapagos aux Pyramides, de Supernatural. Des expériences dépersonnalisées, plus accessibles peut-être que la version gourou en chair et en os, et très ludiques. La preuve que pour la plupart des gens aujourd’hui la technologie et le bien-être ne sont plus antithétiques, au contraire, et qu’un écran peut contribuer à se reconnecter avec un soi plus profond – même s’il n’empêche pas d’aller se promener dans une vraie forêt, et d’admirer un vrai coucher de soleil avec des amis.

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